Le portable
Cette fable n'a d'autre ambition que de rire (un peu) de la "Cellulomania" et d'un certain fétichisme qui donne au portable une couleur...transcendantale
Le Portable
Dans un jardin public, assise, sur un banc
Les mains, paumes ouvertes, offrande au firmament
Une vieille dame priait
Un kangourou passant, touriste et voyageur,
S’assoit à côté d’elle et tire de sa poche
Un objet incongru et pour tout dire, moche.
Qu’il porte à son oreille l’air très intéressé.
Il s’agit d’un portable dont notre promeneur
Semble, ma foi, fort entiché
Il s’exprime à voix basse et même chuchotée
S’adresse caressant à quelque personnage
Puissant et respecté.
-Mais à qui parlez-vous, quelle est cette prière
De qui voyez-vous le visage ?
Demande sa voisine intriguée
J’ai grand besoin de vos lumières
Car je crois que là-haut, on m’ignore, on m’oublie
-Dites-moi, je vous prie
Quel est le tout puissant qui reçoit vos paroles
Serait-ce une de vos idoles ?
L’australien la regarde avec un bon sourire
-Nous ignorons madame, des humains, tous les dieux
Pour nous, leurs religions sont sujettes à satires.
Et cet objet n’a rien de religieux.
-Prêtez-moi, s’il vous plaît, cette unique merveille
Que je la porte à mon oreille.
-Vous comprendrez, Madame que je vous la refuse,
Cet engin m’est précieux, je le perds, je suis mort
Il résume ma vie peut-être aussi mon sort.
-Monsieur le kangourou, vous me voyez confuse
Mais je dois insister
Nous sommes tous les deux enfants de cette terre
Et je vous le demande au nom de Notre mère
-Madame s’il vous plaît, cessez, cette folie
Si vos dieux sont muets c’est par misanthropie
Plutôt que la prière, essayez le yoga
L’Aphone que voilà, vous sera inutile
Il faut pour s’en servir avoir l’âme futile
Vous invoquez les dieux et je parle à ma belle
La chose n’est pas nouvelle
Mais j’ai sur vous un avantage
Je vois sur l’écran son visage
Julien SABBAN