Le Loup amoureux
Le Loup, amoureux de la chèvre de Maître Seguin, est prêt à toutes les folies. Amour, quand tu nous tiens!
Le loup amoureux
Blanquette, haletante, réfugiée sous un chêne,
S’abat sur les genoux, et elle attend la fin.
-Tu peux venir le loup, je n’ai plus peur de toi.
Comme elle disait ces mots, dans le ciel du matin,
Un rayon de soleil fait flamber la forêt,
Et d’un halo doré habille de lumière,
Blanquette exténuée.
A l’autre bout de la clairière
Le loup, toujours aux aguets,
Secoue avec vigueur, sa sauvage crinière,
Puis regarde, ébloui, la jolie convoitise,
Pareille à ces icônes, qu’on voit dans les églises.
-Diable, se dit le loup, plein de mansuétude,
Je vais taire son inquiétude.
On ne dévore pas une telle œuvre d’art,
Je serais un goujat, d’ailleurs il est trop tard,
Le jour se lève, et je dois parler à la belle.
Mais on entend, au loin, une corne qui bêle,
C’est celle de Maître Seguin.
Elle appelle, Blanquette, reviens, reviens,
J’ai agrandi ton pré, sûr, tu seras heureuse.
Reviens vite, petite boudeuse.
Mais Blanquette, immobile, attend son ennemi,
Tandis que le grand jour, a mis fin à la nuit.
Le loup, les yeux brillants, s’approche de Blanquette,
Qui se dresse, hérissée, « Tout doux jolie biquette »
Lui dit très gentiment le loup,
-Je vous parle en ami, j’ai compris, grâce à vous,
Qu’il me fallait changer de vie et de chemin,
Je me mets, comme vous, à l’herbe et aux légumes,
A plus végan que moi, je donne ma fortune,
Je suis riche la belle, et de plus, je vous aime,
Nous nous enivrerons de la même salade,
Et ne serons jamais malades.
Je connais dans les bois, des griseries sublimes,
Nous allons nous connaître, en des moments intimes,
Nous oublierons du temps, toutes les déchirures,
Et nous vivrons, ma mie, d’eau fraîche et de verdure.
-je vois, Messire loup, que vous êtes poète,
Répond rassérénée, Blanquette,
Mais votre beau discours, n’est qu’une entourloupette,
Et trop poli, pour être honnête.
Je ne veux pas du tout, vous servir de dîner.
J’entends déjà les pas, de notre louvetier.
Peut-être, sera-t-il sensible à vos salades,
Vous risquez pour le moins, une belle estocade,
Retournez vite, aux bois, des griseries intimes.
On m’a dit que du loup on n’en voit que la queue
Mais moi, messire loup, j’ai frôlé vos canines,
Et j’ai vu dans vos yeux…le feu.
Julien SABBAN